Extrait de « Le Monde.fr »du 06.06.2014 Par Richard Schittly (Lyon, correspondant)

Un climat à Lyon équivalent à celui d'Avignon il y a trente ans, une diminution d'un mois d'enneigement sur les Alpes, une baisse des débits d'étiage, une plus forte évaporation, 40% des territoires de Rhône-Méditerranée souffrent désormais de pénurie chronique en eau. Le quart sud-est de la France connaît déjà les répercussions du changement climatique sur les ressources hydriques et doit se mobiliser immédiatement. Dans un rapport intitulé « plan de bassin d'adaptation au changement climatique dans le domaine de l'eau », le comité de bassin Rhône-Méditerranée tire la sonnette d'alarme.

Le document préconise une série de mesures pour sauvegarder les réserves et la gestion de l'eau, et modifier les pratiques. Il associe cinq régions (Franche-Comté, Bourgogne, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et PACA). L'ampleur de cette démarche est « une première en France ». Le territoire concerné représente un triangle entre Perpignan, Menthon et les Vosges. Le comité de bassin dresse une série de cartes de vulnérabilité au changement climatique de ces cinq régions.

« Le changement climatique est une évidence, pour l'eau, la crise à venir est inévitable, les enjeux sont plus importants qu'on ne le pense » prévient Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes et coordinateur du bassin Rhône-Méditerranée. Au-delà de la ressource, la qualité de l'eau risque d'être affectée, impactant l'agriculture autant que la biodiversité, les particuliers comme les industries.

UNE ZONE NOIRE

En ce qui concerne la seule pluviométrie, « il existe une zone noire centrée sur Genève » explique Michel Dantin, maire de Chambéry, président du bassin Rhône-Méditerranée : « En dix ans, la situation a beaucoup évolué, on constate le grand déficit hydrique d'Europe de l'Ouest entre le nord des Alpes et le sud du Massif central. » Contrairement aux idées reçues, la région méditerranéenne, plus chaude, n'est pas forcément la plus touchée par le changement climatique.
La hausse des températures se combine avec d'autres facteurs comme l'aménagement trop rectiligne des rivières, qui fragilise les secteurs de moyenne montagne. En haute montagne, la baisse régulière de l'enneigement accentue le phénomène. Selon le maire de Chambéry, la flore a gagné 150 mètres d'altitude au cours de ces quinze dernières années, dans les alpages de Savoie.
« Les moyennes montagnes ont un sérieux souci, on peut craindre la disparition de la neige de printemps d'ici 2030 » estime Martin Guespereau, directeur de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, qui a coordonné les études à l'origine de ce plan de bassin. La diminution de l'enneigement se répercute sur le débit des fleuves. Selon les prévisions de l'agence de l'eau, le débit du Rhône pourrait diminuer de 30 % d'ici 2050. L'été, la baisse du débit atteint les 80 % dans les cours d'eau du sud.

DÉSIMPERMÉABILISER LES VILLES

Dans les villes, les constructions ont recouvert les sols d'une couche de béton ou de goudron imperméable, ce qui favorise l'évaporation. Dans les campagnes, on a trop modifié la morphologie des cours d'eau, plus rectiligne, pour aménager les territoires. « On a passé notre temps à vider l'eau, pour éviter les inondations, pour drainer les fossés : à l'arrivée les territoires sont desséchés, observe le préfet Carenco. Aujourd'hui Lyon a le climat d'Avignon il y a trente ans. »
A partir de ces constats, le plan de bassin préconise une série de mesures, axées prioritairement sur la lutte contre le gaspillage. En prenant garde de ne pas brandir trop de contraintes qui dissuaderaient les bonnes volontés. « Ce plan est là pour provoquer une réflexion à tous les étages, dit Michel Dantin. Il faut s'habituer à dépenser moins d'eau, il faut l'apprendre tous ensemble. » « Notre boulot, c'est de ne pas être dans le déni, de convaincre, ajoute Jean-François Carenco. Nous proposons une batterie de recommandations à libre usage, pour l'instant. »

AGIR LOCALEMENT

Parmi plusieurs exemples concrets, l'amélioration des réseaux d'eau des villes est fortement préconisé pour limiter les fuites. Pour perméabiliser les sols, il est question d'instaurer une zone d'infiltration d'eau pour chaque mètre carré de parking construit. Pour l'agriculture, des porte-greffes moins consommateurs d'eau sont conseillés, ainsi que des modifications dans les méthodes de cultures.
Les normes d'urbanisme ou de stations d'épuration pourraient évoluer. Planter des arbres le long des cours d'eau peut aussi contribuer à la baisse de la température et de l'évaporation.
« Agir localement est urgent, car les territoires devront faire face à une concurrence pour l'eau de plus en plus aiguë », estiment les coordinateurs.

Richard Schittly (Lyon, correspondant) Journaliste au Monde

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